Elle a sans doute une petite trentaine d'années.
Elle habite dans un autre département de la région, mais vient plusieurs fois par semaine à Orléans, par le train.
Elle vient voir "son homme", le père de ses enfants. Elle a rendez-vous avec lui toujours à la même heure, pour 2 ou 3 dizaines de minutes. Parfois, elle amène leurs enfants.
Le petit garçon ne peut pas apporter la petite voiture avec laquelle il aime jouer. Et pour la petite, impossible de venir avec une couche de rechange.
Rien, il ne faut rien.
Alors on se débrouille. On cache. Des bonbons dans les plis d'une robe un peu large. Et pour améliorer l'ordinaire, elle apporte parfois un kebab ou un pâté à la viande. Tout petit, planqué. Si les surveillants le trouvent, son homme et elle seront bons pour un mois de parloir "hygiaphone".
Son homme est là depuis plus de 6 mois, et il ne sait pas encore quand il sera jugé.
Même si elle sait qu'il sera sans doute condamné, il sortira de la prison d'Orléans peu de temps après son jugement, car il aura déjà purgé sa peine, "en préventive". Mais pendant des mois, son petit garçon, sa petite fille, et sa jeune femme auront, eux aussi été condamnés à vivre les "dommages collatéraux" de cette privation de liberté.
Par sa faute à lui, évidemment.
Par sa faute à lui, sa femme aura pris des risques, commis des petits délits.
Mais aussi par la faute d'un système judiciaire et pénitentiaire qui ne sait pas condamner les coupables sans condamner aussi leur entourage.
Et qui, pire encore, condamne l'entourage, avant même que les juges ne se soient prononcés.
A Orléans, début août, ils étaient 77 à attendre leur jugement derrière les murs hideux de la maison d'arrêt. 77 prévenus, et 134 détenus condamnés, pour 105 places.
photo CDG