La situation des familles sans papiers se dégrade très rapidement. Nous en avons parlé ici à plusieurs reprises. C'est ce que rappelle le Collectif de soutien aux enfants de sans papiers et le Réseau Education Sans Frontières 45 :
AU SECOURS !
Le Réseau Education Sans Frontières 45, RESF45, dénonce le nouveau dispositif d’hébergement dans le Loiret : un système inhumain, maltraitant et dégradant qui persécute des dizaines d’enfants, de femmes et d’hommes.
Face à ce que nous constatons, nous ne pouvons pas nous taire ! Nous devons vous dire.
Depuis plus de 15 jours maintenant, les familles que nous accompagnons dans l’agglomération orléanaise, sont victimes d’un système de maltraitance humaine, de harcèlement moral et physique mis en place par la Préfecture.
Ce système s’attaque notamment à des dizaines de femmes, d’enfants, de nouveau-nés.
En deux semaines de fonctionnement, nous pouvons témoigner, pour l’avoir vécu avec les familles, que ce système s’apparente à une forme de torture aux conséquences terribles sur le plan psychologique, voire physique, médical.
Contrairement à ce que nous a annoncé le Secrétaire Général de la Préfecture, ce dispositif est piloté et contrôlé quotidiennement par la Préfecture, auprès de laquelle les hôteliers et autres personnes chargées de l’opération prennent leurs instructions.
Ce système est exécuté, sans état d’âme, par l’ADAGE (association support pour l’accueil aux familles étrangères résidant dans le Loiret) qui a signé une convention avec la Préfecture jusqu’à la fin de l’année 2006. Cette convention n’a pas été rendue publique. L’association ADAGE, qui affiche des buts sociaux n’est plus aujourd’hui dans son champ de compétences puisque, dans la mise en œuvre de ce système, elle devient la voix et le bras exécutifs de la Préfecture.
Ce système concerne toutes les familles (une soixantaine au moins) qui étaient prises en charge dans le cadre de l’accueil d’urgence (SAMU SOCIAL-115) sur l’agglomération orléanaise. Jusqu’au 1er juillet 2006, ce dispositif était géré par la Croix-Rouge. Le nouveau système vise, pour l’instant, à lister, trier, déplacer sans cesse les familles sans assurer le suivi social annoncé. La situation devient encore plus précaire pour les plus pauvres des pauvres.
Le système mis en place et son fonctionnement quotidien passe par des rendez-vous à l’ADAGE où 2 personnes reçoivent les familles. Les entretiens durent quelques minutes consacrées au relevé des démarches que les familles ont faites depuis le rendez-vous précédent et …. On leur donne un nouveau lieu d’hébergement et un prochain rendez-vous. À toutes les questions pratiques portant sur les conséquences de ces déménagements, il est invariablement répondu aux familles et à leurs accompagnateurs « on ne peut rien faire », « ce n’est pas notre problème ».
Des familles baladées sans aucune aide d’un hôtel à l’autre sans qu’aucun problème ne soit pris en compte.
La Préfecture et l’ADAGE ne veulent pas et ne mettent rien en place pour assurer les changements d’hébergement. Elles répondent : « ce n’est pas notre problème ». Les conséquences de leurs décisions et de leurs actes sont pourtant terribles pour les familles.
Les familles doivent se déplacer avec toutes leurs affaires, sous la canicule des jours derniers (les changements doivent se faire en milieu de journée), par tram et bus si elles n’ont personne pour les aider, ce qui est le cas le plus général.
Ces déménagements que de nombreuses femmes seules doivent effectuer avec de très jeunes enfants, voir des nourrissons, avec des transports en commun souvent éloignés des hôtels, nécessitent plusieurs voyages. De plus, les tickets de transport sont à la charge des familles.
Une maman, ne pouvant pas faire tout cela, n’a eu comme solution que de jeter toutes ses affaires et nous l’avons retrouvée le lendemain à l’ADAGE. Elle était hagarde, ni elle ni son bébé n’avaient mangé depuis 24 heures. Elles étaient déshydratées du fait de la chaleur. Toutes les deux, en danger évident, ont été éconduites par un « ce n’est pas notre problème ».
D’autres, ne voulant pas tout jeter, sont obligées de prendre des taxis (25 euros par course). En 15 jours, elles ont dépensé ainsi 1/3 de l’argent qu’elles avaient pour le mois. Que vont-elles manger ? Et les enfants ?
Dans les hôtels, personne ne les aide à monter leurs affaires dans les étages souvent sans ascenseur.
Les crises de nerf des parents et les malaises des enfants sont de plus en plus fréquents jusque dans les locaux de l’ADAGE où les responsables en sont témoins. Lundi 17 juillet, le SAMU est même intervenu. Mais, au bout du compte, la maman et sa fille sont reparties avec leur bon de nuitée pour leur nouvel hôtel. La roue à continué de tourner : le lendemain, la maman déménageait et l’après-midi elle était à l’hôpital pour la petite fille qui faisait des crises d’épilepsie !
Ce système anéantit les efforts des parents qui ont inscrit les enfants dans les crèches, les centres de loisirs, organisé les transports. En changeant d’hôtel, les familles changent de communes et perdent toutes ces prestations.
Et qu’en sera t-il de la possibilité de retrouver à la rentrée l’école quittée en juin ? La seule solution risque d’être encore les bus ou le tram, mais à quel coût pour les familles ?
Les hôtels ont tous des règles différentes.
- Changer d’hôtel, c’est aussi changer de règles, de repères, d’organisation de vie.
- Les prises électriques sont parfois condamnées, interdisant d’écouter de la musique, de faire chauffer les biberons, d’utiliser sa télévision (seule solution : louer la télévision de l’hôtel !)
- Dans certains hôtels on peut cuisiner, dans d’autres pas.
- Où stocker son micro-onde ou sa plaque chauffante quand l’hôtel ne veut pas les voir ?
- Où entreposer les affaires personnelles (vêtements d’hiver, chaussures, quelques réserves alimentaires, les jouets d’enfants, les affaires scolaires) quand rien n’est prévu à cet effet ?
Ces familles sont les pions du jeu cynique de chasse-croise du processus.
Certaines, après deux changements, se retrouvent à l’hôtel du départ !
Dans ces déménagements incessants, des affaires, quelques fois très personnelles se cassent, s’abîment, se perdent. Autant de pertes d’humanité ! Autant de bout de vie qui disparaissent !
Partout, les petits-déjeuners ne font plus partie des « prestations ».
Jour après jour, c’est une valse des familles avec enfants, voulue, décidée, incessante, dégradante, épuisante, orchestrée comme un tragique jeu de « chaises musicales ». Les gens, qui cyniquement décident et exécutent cela ne le feraient sans doute pas subir à leurs animaux domestiques. En juillet 2006, il faut, sans doute, mieux être chien ou chat de Préfet qu’un être humain broyé dans le dispositif d’urgence préfectoral du Loiret.
Illustration : Tim, pour RESF