C'est le journal Le Monde qui publie la déclaration d'Alex Türk, président de la Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés (CNIL) : "Si vous croyez que le monde ressemblera un jour à celui de Big Brother. Détrompez-vous... Vous êtes en plein dedans".
C'est donc fait. On a longtemps cru que c'était une vision pessimiste délivrée par ceux qui voulaient, au nom des libertés, ralentir le progrès technologique, mais c'est fait ! Le président de la CNIL nous le dit : nous sommes déjà dans le monde de Big Brother.
Plus de 70 000 fichiers déclarés chaque année en France, 880 systèmes de vidéo-surveillance installés en 2006, et même 360 systèmes de reconnaissance biométrique des individus déclarés en 2006 !
La loi de 1978 qui a créé la CNIL nous avait placé, à l'époque, dans le peloton de tête des pays européens pour la protection des libertés individuelles. Où en sommes-nous maintenant ?
- La France est dans les 3 derniers pays européens pour l'effectif de la CNIL : 95 postes seulement !
- La CNIL est la dernière des 27 autorités de protection de la vie privée pour son budget rapporté à la population !
et pourtant, l'an dernier, la droite a encore essayé de réduire le budget de fonctionnement de la CNIL de 50% !
Il faut rappeler que la mission de la CNIL, définie par la loi est de "veiller à ce que l'informatique soit au service du citoyen et qu'elle ne porte atteinte ni à l'identité humaine, ni aux droits de l'homme, ni à la vie privée, ni aux libertés individuelles et publiques".
C'est donc dans ce cadre très strict que la CNIL exerce sa mission. Il n'empêche que cette année, son rapport annuel est beaucoup plus catastrophique que les autres années. Il s'intitule : "Alerte à la société de surveillance". J'y reviendrai dans les jours qui viennent.
Alex Türk, président de la CNIL décrit ainsi les dangers qui menacent notre société :
"L’innovation technologique est à la fois porteuse de progrès et de dangers. Les individus sont tentés par le confort qu’elle procure, mais ils sont peu conscients des risques qu’elle comporte. Ils ne se préoccupent guère de la surveillance de leurs déplacements, de l’analyse de leurs comportements, de leurs relations, de leurs goûts.
Cette ambivalence du progrès est difficile à concilier avec la règle juridique qui doit, par définition, être univoque.
Par ailleurs, la technologie tend à devenir invisible parce que de plus en plus de traitements de données sont réalisés à l’insu des personnes et permettent de tracer leurs déplacements physiques dans les transports en commun, leurs consultations sur Internet, leurs communications téléphoniques.
Cette surveillance invisible est «virtuelle» puisqu’elle est liée aux processus informatiques. Elle tend aussi à devenir «réelle» du fait de l’extrême miniaturisation des procédés utilisés.
Avec les nanotechnologies, il sera bientôt impossible de distinguer à l’oeil nu si une technologie informatique est présente dans un objet: dès lors comment encadrer et contrôler des traitements mis en oeuvre par des instruments invisibles?
On le voit, les modalités de la protection des libertés personnelles, qui est aussi celle des données personnelles, doivent être repensées."
Je reviendrai sur la protection des libertés, face à l'informatique, dans les jours qui viennent.
A suivre...